Ris-Orangis, 1979
Bande vidéo analogique numérisée,
4/3, noir et blanc, son
33 min 49 s
Dans Ris-Orangis, Nil Yalter donne la parole à la communauté portugaise de Ris-Orangis, ces « étrangers » qui vivent en banlieue parisienne, claquemurés aux marges de la capitale.
Cette vidéo, qui évoque la situation précaire des travailleurs immigrés des années 1970-1980 en France, fait écho à d’autres travaux, notamment à C’est un dur métier que l’exil que Nil Yalter réalise en 1983 et qui aborde les conditions précaires des travailleurs turcs clandestins de la rue du Faubourg Saint-Denis à Paris. Ces mercenaires illégaux confient à la caméra leurs expériences, leurs espoirs et les rêves. Cette œuvre combine des photographies, des textes, des poèmes et des vidéos.
Dans Ris-Orangis, les immigrés, en l’occurrence des ouvriers portugais, parlent de leur situation, de leurs souffrances, de la nostalgie d’un pays qu’ils ont du quitter, ainsi que des difficultés qu’ils rencontrent pour s’intégrer en France, pays qu’ils n’envisagent pas comme une patrie-refuge bienveillante. Ils décrivent leur sentiment de perte identitaire et les obstacles auxquels ils sont confrontés quotidiennement.
Tout, dans cette vidéo, contribue à redonner de la dignité et de la noblesse à des personnes qui n’ont plus le sentiment d’être considérées. Nil Yalter construit, à travers cette œuvre, un réel travail de mémoire sur l’immigration. Pour ce faire, elle collabore avec des sociologues, des associations et des municipalités : « On ne peut pas aller chez les gens comme ça et leur dire : Racontez-nous votre vie» [1].
On peut observer que les témoignages rapportés dans Ris-Orangis sont atemporels, qu’ils portent en eux une dimension universalisable, tant esthétique qu’anthropologique. Ce qu’atteste Nil Yalter dans un entretien en 2009 : « Rien n’a évolué, seules les populations ont changé. Les nouveaux immigrés ne sont plus italiens, portugais, turcs. Ils sont Africains ou d’Europe centrale. Mais les problèmes sont les mêmes. C’est ce que je veux montrer » [2].
C’est en adoptant cet angle singulier – au plus près des personnes – que Nil Yalter peut rendre compte du caractère paradoxal de l’état de « travailleur immigré », entre sentiment d’exil, volonté d’intégration et spleen du déracinement.
Lou Svahn
[1] Entretien réalisé par Maya Larguet, août 2009 : http://www.histoire-immigration.fr/musee/autour-des-expositions/carte-blanche-elele/portrait-et-interview-nil-yalter-l-avant-gardiste
[2] Ibid.