Un samedi avec Jean-Loup, 1994

Betacam SP, PAL, couleur, son


Pierrick et Jean-Loup est une série de quatre autofilmages commandés pour" Rapptout", une émission de la télévision française.
La forme adoptée pour chacune de ces saynètes burlesques obéit à la même structure : Pierrick, dont le visage est filmé en gros plan et en couleur, commence le récit d'une journée passée chez lui en compagnie de son frère Jean-Loup. Le film montre ensuite, en couleur sépia et selon un rythme rappelant les films muets de Méliès ou de Buster Keaton, les scènes de cette journée. La voix off de Pierrick, dans un débit hésitant et un français approximatif, commente le film. Trois de ces petites histoires se terminent devant le poste de télévision, qui diffuse l'émission pour laquelle elles ont été commandées. La dernière se termine par un accès de violence suivi de la séparation supposée définitive des deux frères, joués tous les deux par Pierrick Sorin. La bande son, sous la voix off, va d'une légère exacerbation des bruits réels (à la manière de Jacques Tati) jusqu'au bruitage électronique (Pierrick et Jean-Loup font de la musique).
Cette structure met en forme, par différents codes, des mises à distance successives : la couleur et le visage en gros plan de Pierrick présentant son film appartiennent au langage télévisuel, à son immédiateté et au regard direct du spectateur sur le narrateur. Le sépia, les personnages en action et la voix off appartiennent au langage filmique, au temps du récit (qui induit un certain recul) et au regard du narrateur sur lui-même. Une dernière mise à distance se situe dans le récit, à l'intérieur des films : Pierrick et Jean-Loup se trouvent en situation de se voir eux-mêmes à la télévision.
Le fait que ces petites scènes burlesques et intimes soient enfermées dans ce cercle formel leur donne un caractère mélancolique, dérisoire et presque tragique. Elles montrent l'impasse narcissique et voyeuriste du narrateur, qui ne peut sortir du besoin de se regarder et de regarder la manière dont il se regarde. L'ironie de ces pièces tient aussi au fait qu'elles sont destinées à être présentées dans une émission "culturelle" de télévision, présente dans les films mêmes, et s'adressent donc à un public susceptible d'être sensible à ce miroir tendu et à cette dérision des productions culturelles.


Un samedi avec Jean-Loup : ce film met en scène une journée des deux frères à la recherche d'une occupation, recherche un peu pathétique qui se termine devant la télévision. Jean-Loup s'endort et Pierrick décrète : "C'était une bonne journée".