Memorial Project Nha Trang, Vietnam, Towards the complex, For the Courageous, the Curious and the Cowards, 2001

1 vidéoprojecteur, 1 amplificateur, 2 haut-parleurs, 1 lecteur multimédia, 1 fichier numérique, couleur, son, 13’
d’après une mini DV NTSC


 Peintre, à l'origine, Jun Nguyen-Hatsushiba se consacre aujourd'hui essentiellement à la vidéo et à l'installation, pratiques auxquelles il associe la performance. Du fait de sa triple identité – vietnamienne, japonaise et américaine –, l'artiste porte un regard original sur l'histoire du Vietnam, en se préoccupant surtout de la période de l'après-guerre. À travers l'usage de matériaux et d'objets (le riz, les écorces de fruits secs, la moustiquaire, le pousse-pousse, les cartes de visite…) qui évoquent la vie quotidienne et la production hétéroclite de ce pays, il examine dans son travail l'impact des événements historiques sur le Vietnam d'aujourd'hui, partagé entre tradition et modernité, dans une perspective de mémoire collective. Depuis 1994, son travail s'articule autour d'un projet de mémorial pour les milliers de Boat People qui ont tenté de fuir le Sud-Vietnam à la fi n de la guerre par crainte des répressions politiques. L'installation Memorial Project Nha Trang, Vietnam: Towards the Complex - For the Courageous, the Curious and the Cowards est l'un des maillons de ce projet. Dans une salle obscure est projetée une vidéo de 13 minutes, sonore et en couleur, tournée entièrement sous l'eau, à Nha Trang : l'artiste y a filmé la fuite de six personnages (incarnés par des pêcheurs rencontrés sur place) qui s'échinent à tirer de toutes leurs forces trois pousse-pousse sur le sol rocailleux et sablonneux du fond de l'océan. Dans cette lente " performance ", à la fois chaotique et onirique, le poids des engins, la difficulté de se mouvoir sous l'eau, la nécessité pour les plongeurs de remonter de temps en temps à la surface pour reprendre leur respiration, traduisent le caractère périlleux de cette tentative. Au terme de cette procession, les hommes abandonnent leurs pousse-pousse, pour découvrir, quelques mètres plus loin, plusieurs moustiquaires fixées au fond de l'océan bleu azur et légèrement ballottées par le courant. Pour Nguyen-Hatsushiba, la moustiquaire – forme la plus simple d'abri – tient ici lieu de tombeau pour les âmes des Vietnamiens qui ont péri dans leur fuite après la chute de Saigon, pendant l'été 1975. La procession, sorte de pèlerinage à la dimension poétique, prend ainsi une valeur mnémonique d'hommage aux Boat People. Le pousse-pousse, symbole des villes du Sud-Est asiatique, renvoie lui aussi aux conséquences de la guerre, mais d'un point de vue économique et social : alors que de nombreux soldats sont devenus tireurs de pousse-pousse à la fi n du conflit, le gouvernement vietnamien actuel souhaite éradiquer ce moyen de transport à l'image archaïque. Premier volet d'une trilogie, Memorial Project Nha Trang, Vietnam est suivi de Happy New Year - Memorial Project Vietnam II (2003), où l'on peut voir une danse du dragon également filmée sous l'eau, qui s'accompagne d'un feu d'artifice sous-marin symbolisant l'offensive surprise du Têt, le 31 janvier 1968, jour du Nouvel An chinois, par les troupes du Nord-Vietnam.


Frédérique Baumgartner