Les Monstres, 1993

Betacam, SP, PAL, couleur, son


La pratique de la vidéo occupe une place particulière dans le travail de Thomas Hirschhorn, elle est en effet complémentaire à son utilisation des lay-out, expression qu'il utilise pour désigner ses installations et les systèmes de représentations qu'il a mis en place. Ses vidéos prennent un sens au regard de sa pratique du dessin ou de la sculpture comme 50/50 à Belleville en 1992, Les monstres en 1993 ou une série réalisée en 1995 (Robert Walser Video, Anitfaschistiche Aktion, I Will Win, Thank You). Thomas Hirschhorn choisit des cadres simples, souvent fixes dans lequel se joue ou non une action. Il apparaît fréquemment dans ses vidéos, posant comme un héros magnifié, une figure archétypale de l'artiste en rébellion contre un système. Il aime travailler avec des rebuts, des déchets et toute matière considérée comme non noble dans l'histoire de la sculpture. Il s'attache à lutter contre l'idée de la qualité de l'œuvre, non pas quant à son sens mais quant à sa réalisation et les matériaux qu'elle comprend. Il réalise ses œuvres avec des matériaux tels que le carton, le papier d'aluminium, les chiffons, les planches de bois, etc… C'est aussi pour cette raison que ses vidéos sont de préférence présentées sur des moniteurs, de la façon la plus simple possible et non en vidéo-projection. Dans la vidéo Les Monstres, la caméra est en plan fixe et assez éloignée de la rue. Au pied d'un réverbère, sont entassés des planches, des cartons, ce que Thomas Hirschhorn appelle lui-même des rebuts. Après quelques minutes, apparaît un camion de poubelle et les éboueurs ramassent ce qui est pour eux des déchets. L'artiste joue sur cette ambiguïté entre la nature quasiment sculpturale de que ce qu'il a déposé dans la rue et le fait que ce sont des déchets pour les éboueurs. Ces derniers ramassent chaque élément au sol, du plus grand au plus petit. A un moment, ils prennent conscience de la caméra et paraissent exaspérés par sa présence. La caméra filme ensuite leur départ, comme pour constater la transformation de l'espace public alors redevenu vide. Thomas Hirschhorn pointe de nouveau une ambiguïté entre le travail des éboueurs et une performance qui mettrait en scène le processus de transformation présent dans son travail. Le titre est un jeu de mot entre le qualificatif de ce qui est monstrueux et le terme qui est utilisé à Paris pour désigner les déchets encombrants déposés dans la rue et par extension, le service municipal qui s'occupe de débarrasser l'espace public de ses déchets. L'espace public est le lieu du comportement social organisé que Thomas Hirschhorn vient perturber avec sa proposition. Dans les Actions-Peu, vidéos réalisées entre 1995 et 1997, Boris Achour dérange et modifie à sa façon les mêmes codes urbains.


Laetitia Rouiller