So Much I Want to Say, 1983

Betacam, PAL, noir et blanc, son


Dans So Much I Want to Say, Mona Hatoum revendique le droit à la parole face à la censure par la voix off qui répète le titre avec insistance tout au long de la bande, alors que l'image, issue d'une performance, montre sa bouche bâillonnée par des mains et contredit la volonté de s'exprimer.
La transmission par satellite lors de l'échange slowscan de Vancouver à Vienne en 1983 fut le premier mode de présentation de l'oeuvre, dont cette bande vidéo est l'enregistrement. Elle véhicule les transformations de l'image et le décalage entre le son et l'image à travers lesquels le spectateur perçoit le sujet.
Le son entendu avant l'arrivée de l'image place le spectateur devant un écran noir, en attente du visuel, et oriente sa pensée par la voix - claire, au débit normal - qui répète : "J'aurais tant de choses à dire."
L'image indique le motif de cette revendication, sans toutefois la rattacher à un contexte socio-politique précis. Le visage de l'artiste, bâillonné par des mains masculines, est montré en gros plan. Le mouvement est décomposé en plans fixes qui se succèdent par le balayage de l'écran de haut en bas toutes les huit secondes. Ainsi les mains se déplacent de page en page, laissant apparaître la bouche criante, avant de la contraindre à nouveau. Le ralenti a affecté la communication de la tension et de l'émotion, qui sont désormais principalement représentées par les traits du visage. Le traitement du sujet est passé d'un enregistrement en direct de la performance à une représentation sacralisante, par le rythme lent, les images en noir et blanc solarisées et la trame mosaïque.
Cette vidéo présente la volonté de dire et d'être en relation avec le monde au-delà des frontières. Cette dimension prend un sens particulier dans l'oeuvre de l'artiste, d'une part avec la critique de la situation socio-politique de son pays d'origine (dans Changing Parts, elle traite de la violence du contexte de la guerre sur l'individu), d'autre part avec les relations à ses proches prolongées au-delà de la séparation et de l'exil (dans Measures of Distance, elle aborde la relation avec sa mère).


Thérèse Beyler