Disturbance (among the jars), 1988
Installation vidéo
7 moniteurs, 1 synchroniseur, 7 chaises en bois
7 bandes vidéo, PAL, couleur, son stéréo (multilingue), 22’55’’
Dans une pièce entièrement blanche (murs, sols, lumière) sont alignés sept moniteurs vidéo, désossés.
Ils sont groupés de la manière suivante : deux moniteurs, à l'extrême gauche, rappellent certes les pages d'un livre, mais aussi les antagonismes masculin / féminin, extérieur / intérieur; quatre moniteurs, au centre, font corps et représentent la continuité et la ligne du texte ; le septième moniteur isolé à droite, est en quelque sorte
le point, le point final.
Les images (des paysages, des éléments naturels, tels l'eau, la pierre, les rochers ; des animaux, tels le serpent, des personnages marchant et récitant des textes) circulent de gauche à droite, d'un moniteur à l'autre. Les textes écrits se superposent tant aux textes dits qu'aux images. Ils sont énoncés par, dans l'ordre d'apparition , Jacques Derrida, Anne Angelini, Myriam Tadesse, Jacqueline Cahen, Joseph Gugliemi, Bernard Heidsieck, Claude Royet-Journoud, Pierre Joris, Irène Pool, Georges Quasha et François Jacqueson.
Des images tournées au pays des Cathares, la terre des gnostiques, nous introduisent d'emblée au coeur des textes que Gary Hill veut nous faire découvrir ici : les écrits gnostiques redécouverts en 1945, dans une jarre à Nag Hammadi, en Egypte, perturbant ("disturbance") certaines notions prônées par les chrétiens. Ce qui intéresse l'artiste dans la gnose est l'idée que l'Homme atteint la connaissance par une recherche introspective
basée sur la dualité : imbrication dans la matière et quête spirituelle. Une immersion dans la physicalité de l'univers, comme dans la matérialité du texte dit et écrit, permet à l'Homme d'incarner le verbe. Le processus de fragmentation de l'image, des corps, de la nature, et de décomposition du langage, tant le verbe que le texte, laisse le spectateur aux prises avec un réseau multiple d'images dites, de voix écrites, de textes lus, de mots dessinés, afin d'en reconstituer lui-même, en toute conscience dynamique, une vérité en mouvement.
L'ambiguïté vient du fait que l'artiste déconstruit le texte, mais construit l'image. Et émergent de l'aléatoire, du chaos, du désastre, de nouvelles structures. Ainsi l'image naîtra d'une union contre nature entre l'entendre / dire, et l'écrire. Le mot émergera d'une fusion entre sa matérialité et son sens.
Le sens est bien toutefois l'objectif recherché par l'artiste.
Christine Van Assche