Hostage : The Bachar Tapes #17 and #31, 2001
Bande vidéo Betacam numérique PAL diffusée sous forme de fichier numérique
4/3, couleur, son, arabe et anglais sous-titré français
16 min 17 s
Hostage, the Bachar Tapes fait partie de la performance multimédia Loudest Muttering Is Over : Case Studies From The Atlas Group Archive, (2000/2007). Elle est présentée par Walid Raad, qui donne d'emblée au spectateur un indice sur ce qu'il va voir : "ces vidéos ne témoignent pas de ce qui s'est passé, mais de ce qu'on peut imaginer, dire ou tenir pour acquis à propos de la guerre, de ce qu'il nous semble raisonnable de dire ou de penser à propos de la guerre". Si le spectateur peut entrer de plain-pied dans la vidéo en pensant voir un documentaire, il peut également, avec ces quelques paroles de l'artiste, comprendre que le témoignage qui va suivre est imaginaire, qu'il est la reconstitution d'un évènement qui n'a pas eu lieu réellement, mais qui répond à ceux, si nombreux, produits et véhiculés par les médias.
Hostage, the Bachar Tapes est un enregistrement vidéo qui porte sur la "crise des otages occidentaux " détenus au Liban pendant la guerre civile dans les années quatre-vingt dix, et qui fut un point focal des médias internationaux sur la crise libanaise. Cette bande relate l'histoire d'un employé de l'aéroport, Souheil Bachar, détenu avec cinq otages américains (Terry Anderson, Thomas Sutherland, Benjamin Weir, Martin Jenco et David Jacobsen) à Beyrouth entre 1983 et 1993. De nombreuses vidéos auraient été enregistrées par Souheil Bachar, mais sur un ensemble de 53 bandes, l'Atlas Group n'autorise la diffusion à l'étranger que des bandes numéro 17 et numéro 31 ; Walid Raad pointe par ce biais le caractère incomplet des archives qu'il présente. Si chaque otage américain a publié un livre relatant leur détention, seul l'otage libanais a tenu secrètes ses années de captivité. C'est l'absence du témoignage de Souheil Bachar, effacé du récit médiatique, qui a permis de nommer les faits d'une expression faussée et galvaudée par les médias: "la crise des otages occidentaux".
Dans cette vidéo, filmée comme un témoignage direct, Souheil Bachar demande en préalable que sa voix soit doublée par celle d'une femme, et que les sous-titres apparaissent en bleu, la couleur de la mer. Si ce doublage annihile toute identification émotive du spectateur à la voix de Bachar, celle-ci persiste néanmoins avec le choix annoncé de la couleur du sous-titrage. L'otage libanais y livre l'expérience de sa détention avec les autres otages: la promiscuité, l'attente, la peur. Il ajoute cependant un fait, non mentionné dans les récits des otages américains : les activités homo-érotiques qui ont eu lieu pendant leur détention. Par le biais du discours de Bachar, Walid Raad expose également les sentiments contradictoires liés à la promiscuité et aux conséquences d'une intimité forcée.
De la même façon que celle mise en place dans les autres projets de l'Atlas Group, le témoignage de Bachar introduit une histoire autre au sein du récit officiel, ce qui a pour effet de mettre en doute la possibilité même d'élaborer un récit officiel. Alors que chaque petite histoire individuelle semble interrompre le processus qui mènerait à une compréhension totale de la guerre, toutes ces histoires participent également d'un processus de reconstitution de l'exercice de mémoire.
Elodie Vouille