Kant, 2000
Betacam SP, PAL, couleur, son, 6'
Kant est une installation constituée d’une vidéo de cinq minutes trente et de dix tableaux. Éric Duyckaerts se met en scène dans la figure d’un rappeur en colère qui accable le grand philosophe allemand d’insultes françaises et anglaises, plutôt crues et totalement dénuées de pertinence philosophique. La vidéo est réalisée sur le régime du clip vidéo bon marché, en regard caméra. L’artiste n’a ni le physique, ni la gestuelle, ni le style vestimentaire des rappeurs, et le décor est disparate et sans pertinence, – probablement celui d’une école d’art. Les tableaux sont divisés horizontalement, ils superposent des film stills de cette vidéo et des mots d’allemand.
Intégralement irrévérencieux et peu musical, ce « clip vidéo » est néanmoins à rapprocher d’autres œuvres d’Éric Duyckaerts, comme le livre Hegel ou La vie en rose [1], dans lequel Kant fait une brève apparition, et la vidéo Abécédaire [2], un hommage indirect, désopilant et ultra condensé, à Gilles Deleuze.
Car dans la dérision affichée par certains de ses propos sur la philosophie, Éric Duyckaerts savait très bien de quoi il parlait. Sa formation universitaire, mais surtout l’étendue de sa culture et de sa curiosité, n’étaient pas une plaisanterie. On peut d’ailleurs se dire qu’injurier Emmanuel Kant au moyen du vocabulaire du rap, c’est simplement brouiller les catégories et par ricochet, attirer l’attention sur un concept premier dans la pensée de ce philosophe – la faculté de catégorisation – sans reproduire son œuvre ni recourir à aucune forme d’autorité.
Marie Muracciole
Novembre 2020
[1] Éric Duyckaerts, Hegel ou La vie en rose, Paris, Éditions Gallimard, collection L’arpenteur, 1992.
[2] Éric Duyckaerts, Abécédaire, 2011, vidéo, couleur, son, 2’34”.