Send/Receive Satellite Network : Phase II, 1977

Betacam SP, PAL, couleur, son


Le 11 septembre 1977, Liza Béar (née en 1942) et Keith Sonnier (1941-2020) orchestrèrent une téléperformance expérimentale reliant une vingtaine d’artistes des côtes est et ouest des États-Unis via une connexion satellite bidirectionnelle. Retransmise simultanément sur le câble, l’expérience fut rendue possible grâce au Communications Technology Satellite (CTS), satellite expérimental à haute puissance également connu sous le nom d’Hermes, dont les signaux étaient relayés depuis un satellite truck (camion satellite) installé à Battery Park City, à Manhattan, et la station terrestre de la NASA au Ames Research Center, à Mountain View, en Californie. Conçu comme un test de la faisabilité technique et économique d’un réseau satellitaire géré par et pour des artistes, cet événement marqua l’aboutissement de Send/Receive Satellite Network, un ambitieux projet lancé par Béar et Sonnier à l’été 1976 en vue d’explorer la politique d’accès public et les possibilités d’usages alternatifs des communications spatiales.



Send/Receive Satellite Network: Phase II documente cette opération. La vidéo, réduite à trente minutes à partir de plus de trois heures d’enregistrement, restitue les interactions entre artistes depuis les deux sites de transmission. La plupart des interventions prennent la forme de réponses improvisées aux contraintes formelles de la liaison satellite en temps réel : les danseuses Nancy Lewis à New York et Margaret Fisher en Californie interprètent un duo en split screen, chacune occupant une moitié de l’écran ; Allan Scarritt met au point une boucle de rétroaction amplifiant les délais du signal ; tandis que Richard Landry, Richard Peck et Terry Fox composent des paysages sonores éthérés, oscillant d’une rive à l’autre.



Sont également intégrées des échanges avec Bradford Gibbs, responsable des télécommunications au Ames Research Center, et Andrew Horowitz, fondateur de la Public Interest Satellite Association (PISA). Ensemble, ils abordent les enjeux politiques et juridiques liés à l’accès public aux satellites, notamment en ce qui concerne Hermes, dont la bande Ku (12-14 GHz) et l’émetteur d’une puissance de 200 watts permettaient un déploiement relativement économique via des stations terrestres compactes, le rendant particulièrement adapté à des usages expérimentaux à but non lucratif.



Plus qu’une prouesse technique, Phase II incarne une réinvention possible des satellites comme plateformes d’action civique et d’expression artistique. Mais elle révèle aussi les limites bien concrètes d’une telle ambition. Confrontés à des revers financiers, administratifs et techniques (panne de générateur, surchauffe du canal satellite, pertes de signal récurrentes), Béar et Sonnier sont, au terme de l’expérience, parvenus à une conclusion cruciale : la véritable autonomie en matière de télécommunications ne saurait reposer sur les seules promesses des satellites ; elle doit prendre racine sur le terrain, là où les réalités matérielles, économiques et sociales permettent d’ancrer des réseaux durables.



Clara M. Royer, 2025