Bye Bye Kipling, 1986
Betacam numérique SP PAL, couleur, son
- Jouer à San Francisco la partie pour main gauche de la Fugue n°1 en do majeur du Clavecin bien tempéré de J.S. Bach
- Jouer à Shanghai la partie pour main droite de la Fugue n°1 en do majeur du Clavecin bien tempéré de J.S. Bach en commençant exactement à minuit le 3 mars (heure de Greenwich) métronome tempo noire=80
- Émettre en même temps des deux côtés du soi-disant "Pacific" ocean".
Ce projet, publié en 1963 par Nam June Paik dans un almanach, préfigure ses émissions de télévision par satellite, dont la première Good Morning Orwell a lieu, en direct, depuis New York et Paris en 1984.
Bye Bye Kipling, réalisé en 1986, réunit dans une même émission en direct des évènements qui se déroulent à Tokyo, Séoul et New York. Le générique démarre avec Come Together des Beatles. Cette musique populaire en introduction atténue les distinctions entre art majeur et art mineur, pont déjà franchi dans ce projet artistique réalisé spécifiquement pour la télévision.
Cette rencontre interplanétaire est aussi l’occasion d’échanges interdisciplinaires, puisque qu’il s’agit là d’un grand rassemblement autour de la musique, des arts plastiques et du sport.
Alors que le présentateur se trouve au « 4D », night-club de New York, il fait jour en Asie quand le célèbre marathonien Takeyuki Nakayama tente de battre son propre record à Séoul. A Tokyo, le son du piano du musicien japonais Ryuichi Sakamoto se mêle à celui du concert de Lou Reed, ex-membre du Velvet Underground, qui se produit au même instant sur la scène du « 4D ».
A l’écran, suivront un grand nombre d’évènements et interventions parmi lesquels l’interview du premier sumo, non japonais, mais hawaïen, ou encore des danseurs de kabuki performer sur de la musique classique occidentale.
La confrontation des mondes passe par des trucages un peu grossiers, mais amusants et cordiaux (division de l’écran figurant à la fois la simultanéité et la proximité), ce qui permet à Ryuichi Sakamoto de trinquer depuis Tokyo avec le présentateur à l’autre bout du monde.
Le titre évoque la phrase célèbre de Rudyard Kipling « East is East and West is West and never the twain shall meet» [1]. Il s’agit ici de démolir ce mythe, qui ne voit pas de conciliation possible entre l’est et l’ouest, ce qui à l’heure des satellites et des nouvelles technologies peut être contredit. On voit ici l’aspect visionnaire de Paik, qui développe très tôt, grâce aux nouvelles technologies, des démarches effaçant les frontières entre les différentes disciplines artistiques et crée ainsi des ponts entre les cultures.
Patricia Maincent
[1] « l’Est est l’Est, l’Ouest est l’Ouest et jamais ils ne se rencontreront », in The Ballad of East and West, poème de Rudyard Kipling publié en 1889.