Kempinski, 2007
Video, couleur, sonore
Neil Beloufa crée des univers extraordinaires et inattendus. La place du cinéma et de la vidéo apparaît comme centrale dans son travail : celui-ci se donne à voir à partir de mises en scènes très sophistiquées, par des installations dans lesquelles le spectateur est invité à prendre place physiquement à la présentation des œuvres. En jouant alternativement des histoires qu'il raconte et des mises en scènes de celles-ci, Il brouille un peu plus les pistes du spectateur. Chaque projet part de l'observation d'un milieu culturel, d'une situation ordinaire, pour les pousser au-delà de leurs limites, voir ce que produit leur excès, leur disjonction.
Kempinski a été réalisé alors que l'artiste, élève à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, a été envoyé en voyage d'études au Mali. " Il y avait une attente de faire du documentaire dans un pays du Tiers Monde et j'avais envie de renverser la règle et de réapprendre aux gens de ne pas se servir de l'exotisme. […] Au lieu de faire de vraies interviews, j'ai demandé aux gens d'imaginer le futur au présent ", explique-il. Les habitants de Mopti, ville portuaire à la confluence du Niger et du Bani, sont invités à se faire auteurs du scénario. Ils assurent aussi l'éclairage des scènes, toutes nocturnes, servant de cadre aux récits fantastiques et aux idéaux de progrès qu'ils livrent à la caméra. Les néons prennent l'allure de sabres lasers, les animaux et les objets deviennent des êtres doués de pensée à l'égal des hommes. Beloufa décrit son œuvre comme un " documentaire de science-fiction ". L'artiste puise à la culture moderne de l'Afro-futurisme, tout en invitant à réinvestir une tradition plus ancienne : l'animisme - qui attribue aux choses et à toutes les formes de vie une âme analogue à l'âme humaine - et la transmission orale de ses mythes et de ses fables. A travers ce jeu de création narrative, il donne à méditer la projection dans l'avenir d'une société encore prise dans le présent du regard postcolonial.