Now Wait For Last Year, 2007

Betacam numérique PAL, couleur, son stéréo


La formation du paysage est le point d’ancrage de l’œuvre de l’artiste anglaise Rachel Reupke, dans la lignée de la représentation picturale ou photographique traditionnelle. Caspard David Friedrich et Andreas Gursky sont des influences essentielles. Ses œuvres sont composées à partir de plans fixes, de panoramas, manipulés et agencés par ordinateur, dans lesquels elle introduit un rythme narratif et des éléments fictionnels.
Une erreur se serait-elle glissée dans l’image ? « Now Wait For Last Year » déroule successivement trois plans fixes de la ville de Pékin : un grand carrefour urbain, un ensemble d’habitations témoin et un conglomérat d’immeubles traversé par un tunnel. Chacune de ces vues revêt un caractère artificiel, tant par leurs ciels acidulés que par leurs occupants sans but ni visage ; trois images pieuses d’une cité moderne où il semble faire bon vivre. Chacune d’elles reste à l’écran un long moment, le spectateur se laisse ainsi volontiers aller à l’examen et à la remise en cause de l’image. On s’affaire à vouloir détecter l’effet, la duperie, le mouvement, les figures. On oscille entre le premier plan animé et le second plan fixe, entre la tension du visible et de l’invisible, entre l’esthétique kitsch maoïste et la saynète pré-catastrophiste de science fiction. Comme le peintre ou le photographe, la vidéaste se dit fasciner par la contrainte qu’impose la création d’une œuvre complète au sein d’une seule image et par la façon de raconter l’intégralité d’une action ou d’une histoire dans ce seul et unique cadre. Tournée lors d’une résidence à Pékin, au moment du grand chantier des Jeux Olympiques de 2008, l’artiste s’est inspirée de cette ville au violent boom architectural et de sa capacité à anticiper son histoire urbaine. Cette vidéo parodie les clichés commerciaux servis à la population chinoise et au reste du monde. « Je me suis intéressée à la face publique de ce développement : les expositions d’urbanisme, les maisons témoin, les panneaux d’affichage, les illustrations de projets de construction et les slogans basés sur le mode de vie croisés à tous les coins de rue ». Pékin ou Shanghai sont des villes qui imagent leur avenir au travers de bannières promotionnelles, tout comme Dubaï ou Abu Dhabi, d’autres grandes cités à l’essor urbain dionysiaque, qui sacrent leur développement dans les musées mêmes. Habituellement Rachel Reupke prend un soin tout particulier à sonoriser ses vidéos, celle-ci est silencieuse pour affirmer encore davantage l’effet carte postal.
« Now Wait For Last Year » est le nom d’un roman métaphysique d’anticipation de Philip K. Dick, qui parle d’un temps alternatif. Rachel Reupke - qui a un attrait particulier pour la science fiction - aime ici perdre le spectateur dans des allers retours déconcertants entre perceptible et imperceptible, mobilité et fixité. Pékin représente le protagoniste idéal, une ville où chaque carrefour exhibe et anticipe son avenir en une affiche ou une vidéo. Sommes-nous en train de visualiser un présent, un futur, un avenir ou serait-ce déjà le passé ? D’où provient cette carte postale ? Quand est-ce qu’elle a été envoyée ?
Florence Parot