Aspen I, 1970

U-matic, NTSC, noir et blanc, silencieux


Denis Oppenheim s'est d'abord fait connaître pour ses Earth Works, interventions sur des sites naturels qui marquaient une rupture avec l'objet d'art et le travail en atelier. Dans ses Body Works, il inaugure à partir de 1969, une autre forme d'investigation de la matière et de l'énergie, sur son propre corps, utilisé comme instrument muet, élément, paysage, lieu d'expérimentation mental et physique. Aspen 1 introduit ce corps par fragments en neuf séquences, neuf segments (tournés en Super 8, puis transférés en vidéo) qui travaillent un temps et un espace suspendus, une attente inquiétante, une mise en danger non localisable du devenir de l'art et de l'artiste. L'attente et la suspension n'entraînent pas moins le mouvement, un flux ininterrompu entre deux éléments, la nature et l'homme, l'organique et l'inorganique. Tout bouge, tout se rencontre, se recouvre et cette friction induit une transformation qui s'inscrit à l'image comme une empreinte, une plaie. En ce sens Dennis Oppenheim observe les passages, les discontinuités, fait l'expérience du mouvement conflictuel entre le corps et l'environnement, le corps et la pensée. Dans la fixité du plan, dans l'attente de l'accident, le membre humain (le plus souvent la main) extrait de son tout, se frotte à la matière, aux feuilles mortes, aux pierres, aux débris de verre, et garde la trace de la conjonction, du recouvrement ou de l'immersion.


Stéphanie Moisdon