The American Gift (Le cadeau américain), 1976

Installation sonore
1 parallélépipède, 4 néons bleus, 4 haut-parleurs, 1 bande son (anglais), 1 texte (anglais), 1 texte (anglais), 42'36


Au cours des années, Acconci passa allègrement d'un format à un autre. Il réalisait au début des bandes vidéo monocanal diffusées sur moniteur. Son distributeur, Castelli-Sonnabend Tapes and Films, les louait ou vendait ses titres sous forme d'éditions non limitées à des prix très abordables. Les écoles d'art et les musées sentirent l'affaire et lancèrent des programmes d'étude sur les nouveaux médias. La popularité de ses vidéos et de ses installations le fit connaître. Il sillonna l'Amérique et se rendit fréquemment en Europe pour donner des conférences et présenter ses dernières expérimentations. Au Nova Scotia College of Art and Design, à Halifax, et à Art/Tapes/22, à Florence, ses spectacles étaient doublés de prises de vue vidéo. Il disposait d'une caméra, de platines d'enregistrement et de diffusion, d'assistants et d'un studio, donc de tout le nécessaire pour réaliser une vidéo. De nombreuses œuvres nouvelles naquirent ainsi à l'occasion de ces voyages. The American Gift fut commandé par le CAPC de Bordeaux pour une exposition organisée en 1976. Acconci a reconnu que l'invitation à une exposition en Europe était influencée par l'aspect commercial de l'art. Pour un artiste enraciné dans l'idéalisme des années 1960, l'intrusion du marché dans l'art était dérangeante : " À cette époque, beaucoup d'artistes américains qui n'avaient jamais exposé en Amérique voyageaient dans toute l'Europe et exposaient d'abord en Europe. Donc, dans cette situation, il était clair que si j'étais exposé en Europe, il était absurde de prétendre que je me trouvais dans la position neutre du “Je suis un artiste qui expose”. Je pensais plutôt que “Je fais spécifiquement cette exposition parce que je suis un artiste américain. Je le fais parce que je suis représentatif de l'art américain, je le fais parce que je suis un représentant du marché de l'art américain”. Donc je pensais avoir le choix entre deux solutions. Soit je n'aimais pas cette situation et je ne devais rien faire, soit, si je voulais continuer à faire quelque chose, cette situation devait, d'une certaine façon, commencer à avoir un rapport avec mes pièces. Ainsi, "The American Gift" est une œuvre qui a commencé à introduire cette notion de l'Américain-coupé-de-l'Europe, l'Américain comme une sorte de sous-courant de l'Europe… pour moi cette pièce permettait de commencer à mettre en forme l'idée de réaliser une pièce pour un espace culturel particulier. "

Le cadeau, tel que le décrit Acconci, est une boîte noire surmontée d'un halo bleu, qui est envoyée par un agent américain (l'artiste) à des destinataires européens (les spectateurs). Pour bénéficier de cette largesse américaine, les spectateurs européens doivent entrer dans un espace clos, simplement meublé d'une douzaine de chaises autour de la boîte. Et ils écoutent. Acconci prend la parole. Très dominateur. Sa voix impressionnante sort de plusieurs hautparleurs. Il enseigne ce qu'est l'Amérique. Nous sommes en 1976, année de la célébration du bicentenaire des États-Unis. Après deux cents ans seulement, l'Amérique a dépassé l'Europe, " qui a enseigné à l'Amérique tout ce qu'elle sait. " Le cadeau d'Acconci à l'Europe comprend des ordres donnés dans le langage de l'autorité, un argot commun à toutes les langues. Il parle, et un chœur de voix féminines, les Européens, reprend ses paroles en écho et en français. " Apprenez la langue ", ordonne Acconci. Ils semblent avides d'apprendre mais la traduction est maladroite. Une troisième voix s'immisce dans ce laboratoire de langue. C'est un pastiche de sons extraits de la " Voice of America ", la station de radio qui faisait découvrir l'Amérique au monde pendant la guerre froide. À la différence du message clair et puissant de l'artiste, les communiqués officiels sont éclatés et confus. Le chœur des Européens ne peut pas comprendre l'Amérique des États désunis d'Acconci. La langue américaine que le chœur s'efforce d'apprendre finit dans un babillage sans le moindre sens, " lo-do-lo, do-so-mo-so. "

Barbara London

Traduit par Jacques Bosser